Récits (de retour) de voyage

22/08/2011

J’ai retrouvé dans les archives de Photosmatons un post sur le thème du voyage. Je l’ai rédigé en 2011. Faute de pouvoir partir en vacances, je voulais en parler sur mon blog. Vaste sujet. J’avais demandé à une copine de me parler de son tour du monde. Six mois passés entre Amérique du sud et Asie : Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Chili et l’Ile de Pâques, la Polynésie française (Iles de la Société), la Nouvelle-Zélande, l’Australie, Bali, Singapour et le Cambodge.

A l’époque, son récit m’a rappelé un texte du photographe Pierre Morel. Il revenait d’un séjour à Beyrouth. Dans ce post publié sur son blog (ici), il interroge la capacité de pouvoir se sentir dépaysé ou surpris en voyage dans ce monde si documenté. Les textes de Pierre et Ioana ont été publiés ensemble, pour qu’ils se fassent échos.

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« On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu’on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels… »
Nicolas Bouvier

Liban

PIERRE : « Au delà de l’exotisme propre à la destination et à son climat , c’est la concrétisation de mon imaginaire qui m’a le plus questionné. A force de concevoir le monde à travers le prisme de l’information et du document, vivre la réalité relève de l’assouvissement du fantasme. Le monde que j’imagine est idéalisé, dans le sens du virtuel, et lorsque je m’y trouve physiquement, j’ai cette sensation de vivre quelque chose que j’anticipais, l’impression de me retrouver dans un reportage ou dans un film déjà vu, le sentiment d’être derrière l’écran d’un jeu vidéo. (…)

Arrivée au Liban

Le monde carte postale existe ainsi subitement et mes déplacements ne sont que la transformation en réalité effective d’icônes que je connais déjà inconsciemment. Notre imaginaire en prend un coup ! Notre époque est si documentée que l’expérience même du voyage et de l’exotisme s’en trouve transformée. Plus de surprises, plus réellement de vraies découvertes. Notre société du spectacle m’a apporté une culture visuelle et littéraire qui ressurgit de manière soudaine lors de l’expérience vécue. (…)

Avec la standardisation des marques, des modes de consommations et des cultures, il n’existe plus de différences entre les centres des villes mondes. Des artefacts de la mondialisation nous renvoient toujours au lieu d’où nous venons. Être dépaysé, cela devient difficile (…) »

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IOANA : Qui n’a jamais vu de photos des statues de l’île de Pâques ? des temples d’Angkor ? du Corcovado ?Il faut bien reconnaître que lorsqu’on les rencontre, “pour de vrai”, la première pensée, c’est : “ah bah oui, c’est bien ça”, comme si on cherchait une confirmation de ce que l’on connaissait déjà. Et quelle déception de trouver Santiago du Chili si sembable à n’importe quelle grande ville occidentale…
Mais aucune photo, aucun reportage ne peut fidèlement reproduire les couleurs d’un soleil qui décline, les odeurs de riz et d’encens mêlés, la fraîcheur sucrée d’un ananas, la douceur d’un museau de lama.

Et comment apprend-on qu’en Argentine, tout le pays fait la sieste entre 14h et 17h ? Qu’à Singapour, tous les panneaux de signalisation sont en anglais, chinois et indien ? On peut le voir sur une photo, mais on ne le comprend seulement qu’en déambulant dans cette ville-Disney.

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Le plus doué des écrivains, de ses mots les plus affutés, ne parviendrait pas à rendre conforme au réel le craquement de la cordillère des Andes, dans le désert d’Atacama. Il faut pour cela marcher sous un soleil de plomb pendant deux heures, sur un sentier si étroit qu’il n’est possible que de mettre un pied devant l’autre. A flanc de coteau, à vingt mètres du sol. Puis dévaler une dune. Respirer enfin à l’ombre de ces canyons rugueux. S’asseoir sur une pierre hostile, et écouter.

Entendre enfin ce craquement, qui fait se sentir tout petit. Voilà pourquoi rien ne remplacera le voyage. »

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