Jérémie Jung, photoreporter tout juste sorti de l’EMI, a réalisé un POM (petit objet multimédia) intitulé Enquêtes de toits sur un groupe de jeunes squatteurs parisiens. Ensemble, ils ont investi le « Mabo », nom de baptême de l’immeuble parisien dans lequel ils se sont posés…un temps seulement. Depuis, ils ont été expulsés et poursuivent leurs chemins séparément.  

De gauche à droite, Titeuf et Goulc’han, autonomes © Jérémie Jung

On connaissait les squatteurs médiatisés et engagés du collectif Jeudi Noir. En voici d’autres. Ceux mis en lumière par Enquêtes de toits, un diaporama sonore réalisé par le photographe Jérémie Jung. C’est en lisant un article sur la création d’un squat homo dans Têtu que Jérémie a voulu approfondir le sujet. Il a donc rencontré et vécu avec huit squatteurs dans un immeuble du Marais à Paris. Cinq d’entre eux ont accepté de se dévoiler en se laissant photographier et interviewer.

Momo, explorateur urbain © Jérémie Jung

Faisons les présentations (par ordre d’apparition sur les photos). Il y a le couple formé par Titeuf et Goulc’han, 23 et 25 ans, : ils veulent voir « chaque recoin de la planète sans en oublier un ». Momo, un Tunisien de 24 ans, qui vit sans papier. Adrien, 32 ans, qui a « très vite réalisé ses rêves d’enfant » et souffre de ne plus en avoir. Et, Jon Ho, ancien toxico de 30 ans qui a « arrêté les Beaux Arts et a raté sa vie ». Le bâtiment, en toile de fond, fait presque office de personnage secondaire. Ses nouveaux occupants l’ont même baptisé le Mabo. » C’était un immeuble de six étages dont trois occupés, les autres étaient fermés et gardés par des maîtres chiens, explique Jérémie Jung qui a vécu un temps avec ses protagonistes. Dans un des appartements, encore meublé, on a découvert un corset. On pense qu’il appartenait à la dernière occupante, une vieille dame ».

Adrien, 32 ans, donne des cours a domicile © Jérémie Jung

A travers son enquête, Jérémie Jung nous livre des morceaux du quotidien de Titeuf et Goulc’han, Momo, Adrien et Jon Ho. L’expulsion qui les guette les place dans une grande précarité. Il faut donc, sans cesse, repérer et trouver d’autres immeubles laissés à l’abandon. « En les suivant, je voulais montrer l’incohérence du système dans lequel on vit, explique Jérémie Jung. Nous sommes dans une ville qui laisse des gens dormir dehors alors qu’il y a tant d’immeubles inhabités. » Il poursuit : « les squatteurs ont également leurs propres incohérences : certains veulent se poser…Ils le disent mais ils vivent en squat…Cela dit dans leur situation, ils n’ont pas forcément d’autres alternatives  » Incohérente également la démarche du couple Titeuf et Goulc’han. Ils rejettent cette société où tout s’achète et se vend alors qu’eux-mêmes vendent leurs corps sur des sites gays… Pour toute personne qui s’interroge sur le sens qu’on donne à la vie, les mots de Jon Ho, Momo, Adrien, Titeuf et Goulc’han font échos : qui n’est pas un jour prisonnier de ses errances, de ses contradictions, de ses questionnements ?

Jon Ho, illustrateur écrivain © Jérémie Jung

Jérémie Jung s’est lancé dans le photojournalisme pour « raconter des histoires ». Et, d’après nous, faire ce métier avec talent et discernement induit non pas de la compassion mais de l’empathie. Cette faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent (définition du Larousse). Enquêtes de toits n’est pas une belle histoire. Juste une histoire vraie qui méritait d’être racontée.